Le peuplement des îles Gambier se situe vers 1000 ans après J C par les navigateurs polynésiens. Plusieurs ressemblances, comme les langages, les outils retrouvés (herminettes, hameçons etc.), les marae, laissent à penser que la civilisation des îles Gambier se rapproche des îles Marquises et Cook.
C'est en mai 1797 que le navigateur James Wilson, navigant avec son équipage et quelques missionnaires de la London Missionnary Society, découvre l'archipel qu'il aborde sans pouvoir y accoster. Il "baptise" l'archipel, Gambier, nom de l'amiral qui finançait l'expédition : James Gambier.
James Wilson fit une carte schématique de ces îles, baptisa le sommet de Mangareva (441m) du nom de son bateau : le Duff.
Cette carte figure sur le livre : Mangareva et les Gambier (François Vallaux)
En décembre 1825 le lieutenant anglais Frederick Beechey fut le premier européen à poser le pied sur une île. Il est le premier à explorer ces îles dont il dresse une carte remarquable avec une description finement observée. Il y découvre les Mangaréviens (environ 5000), à cette époque, le roi des Gambier, Maputeoa, résidait à Rikitea. La population était répartie sur les quatre îles principales (Mangareva, Aukena, Akamaru, Taravai).
Les récits de Beechey attirèrent de nombreux navires de commerce, ce qui fit de Rikitea une importante escale de réapprovisionnement et un centre de commerce avec des indigènes pour sa nacre de bonne qualité, en grande quantité dans le lagon. L'officier anglais quitte l'archipel à la mi-janvier 1826 et part en direction sud-est des Tuamotu pour d'autres découvertes.
Les Gambier, plaque tournante du catholicisme en Océanie.
L'histoire de cet archipel ne peut être abordée sans que l'on évoque le Père Laval et le Père Caret, ainsi que la mission des Gambier.
7 août 1834 : arrivée des Pères de la congrégation des Sacrés Cœurs de Picpus, cette date voit naître la première mission catholique de Polynésie.
Entre 1834 et 1871, les missionnaires instaurent une théocratie fermée, en quelques mois, ils parviennent ainsi à convertir les Mangaréviens.
De 1835 à 1836, ils organisent plusieurs autodafés, c'est ainsi que : statues, pagaies sculptées, to'ere (tambours à fente), flûtes et objets votifs seront automatiquement brûlés. Après la destruction des symboles et des sites païens qu'étaient les marae et les tiki (six tiki seulement ont échappé à la destruction), Honoré Laval, le supérieur de la mission et le Père Caret multiplièrent les constructions d'édifices religieux comme l'immense cathédrale Saint Michel de Rikitea, églises (au moins une dans chacune des quatre îles principales), tours de guet, mais aussi de nombreuses constructions religieuses et civiles, dont le couvent de Rouru à Mangareva. Ces qualités de bâtisseur valurent même aux Mangaréviens d'être employés à Tahiti à partir de 1856 pour la construction de la cathédrale de Papeete, puis le phare de la pointe Vénus.
En 1844, la France avait établi le protectorat sur les Gambier, l'annexion fut prononcée officiellement 1881.
Pour commenter mes photos, rien de mieux que de lire le livre de Jean-Paul Delbos, "La mission du bout du monde", "la fantastique aventure des bâtisseurs de cathédrales dans l'archipel des Gambier", une réédition enrichie par un chapitre complet sur le couvent de Rouru qui est, actuellement, en état de ruine.
N° 2 sur la carte : Couvent de Rouru au pied du mont Duff
Il faut compter une bonne demie-heure de marche depuis le centre du village de Rikitea pour arriver à Rouru (sud de l'île).
Nous entrons sur le site par un passage que laisse le mur d'enceinte en ruine. L'unique porte d'entrée du couvent se situe un peu plus haut.
Dans ce vaste enclos se trouve le couvent de Rouru, il ne reste que quelques constructions visibles en état de ruine. Ci-dessous : une partie du mur d'enclos délabré et, adossée au mur de clôture, une partie d'un pan de mur en état de ruine : l'école des sœurs.
Au pied du mont Duff, le bâtiment en ruine que l'on aperçoit est la chapelle des sœurs ainsi que l'infirmerie et dortoir à l'étage.
Sous la direction du Père Cyprien Liausu, il fut construit en 1847 un bâtiment double de 24 m de longueur en grosses pierres de corail.
En fait cette grande bâtisse était divisée : la chapelle de 12 mètres de long environ et, séparées de la chapelle par une cloison, deux grandes pièces, une pour les sœurs du couvent qui servait d'infirmerie, l'autre, une chambre pour le Père Cyprien. Un dortoir occupait l'étage.
L’ancien autel, fait de blocs de corail taillés a été déplacé et mis en place dans la cathédrale Saint Michel de Rikitea. Il ne reste que quelques marches d’un escalier en pierre, une statuette religieuse et un récipient creux sont posés sur la petite plate-forme, je suppose que des fidèles viennent toujours prier.
Depuis la fenêtre de la chapelle, nous apercevons une grande bâtisse en ruine : la maison des religieuses.⬇
Nous continuons la visite des lieux autour de la chapelle pour arriver à l'unique porte du couvent, en forme d'arc de triomphe, donnant sur le chemin des sœurs. Comme vous pouvez le voir, l'accès du chemin et ses abords fleuris sont bien entretenus.
Un local latéral attenant à la chapelle était réservé pour la population et l'entrée se trouvait à l'extérieur du couvent.⬇
D'après le journal du Frère Gilbert Soulié, les ouvriers mangaréviens commencent à tailler la porte d'entrée monumentale de Rouru le 3 juin 1861. Le 22 juin : fondements de la porte sur deux mètres d'épaisseur. Ressemblance parfaite à un petit arc de triomphe qui finira le mur d'enclos, seule entrée et sortie de cette vaste institution devenue couvent.
Notre balade n'est pas terminée après le passage de la porte monumentale du couvent. Nous revenons sur nos pas vers la chapelle jusqu'à l'extrémité (celle de l'infirmerie et dortoir).
De nombreuses plantes vertes et fleuries comme le Bougainvillier (ci-dessous) ont pris place et envahissent les recoins, un peu de couleurs ... sur des ruines ...
Tout un choix de plantes : fougères, plantes herbacées etc.
Fleurs herbacées comme la Salvia coccinea ou sauge tropicale⬇
L'Hibiscus⬇
Au milieu du vaste enclos, une autre grande bâtisse 28 mètres de long environ, la maison des religieuses : salles de travail, dortoir à l'étage.
Confort de l'époque ; des toilettes sont construites à côté de la maison des sœurs.
Au loin, la chapelle des sœurs.⬇
WC taillé dans la pierre, la végétation comme les fougères, les fleurs du Lantana envahissent le petit espace.
Derrière les toilettes, beaucoup de plantes, l'une d'elles est très parfumée : le Miri (basilic) est l'une des plantes vivaces emblématiques de la Polynésie. On se sert de ses feuilles pour confectionner des couronnes très parfumées ou pour parfumer le monoï.
Il ne reste que les quatre murs du bâtiment, l'intérieur est impénétrable, tout y pousse même les arbres.
Les troncs d'arbre servent pour le linteau de la fenêtre.
Vue sur le mont Duff.⬇
Lantana : de belles fleurs qui attirent les papillons.
Le nono, noni nom tahitien du Mûrier de Java (Morinda citrifolia) ⬇
Fosse à ma, utilisée comme garde manger pour conserver le uru fermenté.
À côté du manguier se trouve un puits, il n'y a pas de margelle juste deux grosses pierres.
Parmi les arbres fruitiers, le pamplemoussier et ses gros pamplemousses.
Créé par le Père Cyprien, le couvent de Rouru a fonctionné de 1836 à 1903. Jeunes filles, femmes et enfants y vivaient en communauté. Lorsque l'on entre dans ce vaste enclos de l'institution et que l'on voit toutes ces constructions aux murs solides et bien bâtis, malgré l'état actuel de délabrement, on devine le courage, les efforts et l'énergie qui ont été déployés.
1 De Marithé -
Et dire que tous ces efforts faits pour construire ces bâtiments ont été anéantis , il ne reste plus que des ruines.
C'est incroyable comme la végétation a vite repris le dessus.
C'est un reportage extrêmement intéressant, je découvre cette partie de l'histoire des îles Gambier.
Que seraient devenus les Gambiens si la religion ne s'en était pas mêlée?
Bises et bonne journée
2 De Thérèse -
Excellent reportage. Toute oeuvre humaine est vouée à l'anéantissement même si elle prétend avoir été élevée à la gloire de Dieu. Effort et énergie doivent être sans cesse renouvelés. Sainte Thérèse disait: "Tout passe, tout casse, tout lasse". En tous cas je ne me lasse pas de te lire. Merci Marie France.
3 De Nadia -
Coucou Maman,
Ce reportage historique est très intéressant, bien documenté et bien coloré par toutes tes photos.
4 De Laurence -
Une véritable encyclopédie!
Tu es incroyable tu devrais te reconvertir en historienne.
C'est encore un très bel article avec de belles photos.
A très bientôt au soleil ;-)
Bises ensoleillées!
(non je n'ai pas révisé mon anglais!)
5 De JO TOURTIT -
Te voilà donc à nouveau dans ton élément et dans ces "eaux qui sont tiennes" ...
Cela fait peine de voir que du travail considérable des bâtisseurs pour cette MISSION DU BOUT DU MONDE, il ne reste que des ruines !!!
Merci pour cette intéressante histoire ma grande.
Gros bisous et doux séjour.
6 De lancien -
Veuillez d'abord m'excuser de vous avoir emprunté des photos de votre blog, mais je n'avais pas lu ni celui-ci, ni vos reportages. Les photos que j'avais de bernard l'ermite de Bretagne ne le montraient pas assez bien (trop dans sa coquille d'emprunt), et j'ai été sur "Google image" en tapant Bernard l'Ermite, et j'ai choisi des photos qui montraient le mieux la bestiole en déplaçant les photos.
J'aurais dû effectivement m'enquérir de leur provenance et au minimum vous citer.
Là j'ai lu une partie de votre blog et je reviendrai car il me rappelle des souvenirs, étant allé pour mon travail en Polynésie, il y a bien longtemps (1969).